Les 24 heures du Mans 1966

Chaparral 2D Strombecker, Ferrari 330 P3 Racer, Porsche 906L TKP, Ford MkII Scalextric

Chaparral 2D Strombecker, Ferrari 330 P3 Racer, Porsche 906L TKP, Ford MkII Scalextric

18 et 19 juin 1966 - La 34ème édition des 24 heures du Mans
Ford : le triomphe d'Henry II

Le début des monstres de l'endurance

Pour la saison 1966, la règlementation du championnat du monde des marques évolue. La catégorie Prototypes (groupe 6) est soumise à des contraintes d'habitabilité, de garde au sol, ainsi qu'à la conservation d'éléments tels que la roue de secours et le coffre à bagages. Cette catégorie étant censée préfigurer une future voiture de série.

Le départ "viril" de Graham Hill au volant de la Ford MkII#7

Le départ "viril" de Graham Hill au volant de la Ford MkII#7

Les Sports (groupe 4) doivent être construites à 50 exemplaires, et désormais les GT (groupe 3) à 500 exemplaires telles que la Porsche 911 ou la Ford Mustang. Ferrari fait ainsi homologuer en Sport sa 275LM et Ford ses GT40 4,7 litres. Revers de la médaille, ces minimas contraignent les petits constructeurs à évoluer en Prototypes sans aucune chance de victoire. L'âge d'or des GT est passé et l'on rentre pour six années dans l'ère des monstres et des plus belles années des courses automobiles d'endurance.

David Ferrari contre Goliath Ford

Le duel attendu entre Ford et Ferrari se résume en catégorie Prototypes au total énorme de 15 voitures. Huit Ford MkII toutes de couleurs différentes du coté américain, trois 330 P3 et quatre 365 P2, soit sept du coté italien. Toujours en catégorie Prototypes de plus de 2 litres, on compte aussi dans les rangs américains, la Chaparral 2D et du coté italien, deux Bizzarini et une barquette Serenissima.

Coté pilotes, on observe quelques changements inattendus tels que le départ de John Surtess, qui claque définitivement la porte de la Scuderia après avoir appris qu'il ne sera bon qu’à jouer au lièvre pendant les deux premières heures. Raison invoquée chez Ferrari : Big John est insuffisamment remis de son accident en CanAm.

Chez Ford, c'est Dick Thomson, qui après avoir percuté et détruit la GT40 de Holquist, est exclu et remplacé par le jeune Australien Brian Muir pour ne pas avoir signalé l'accident aux commissaires de piste. Après avoir effectué un tour d'honneur dans un cabriolet Mustang, c'est Henri Ford II qui donne le départ à une grille multicolore où 13 Ford figurent parmi des 20 premières places. Des 55 voitures au départ, il n'en restera que 15 classées à l'arrivée 24 heures plus tard.

Le rouleau compresseur Ford

En dépit des échecs de 1964 avec la GT40 et de 1965 avec la MkII, Ford considère que ses voitures ont le potentiel suffisant pour vaincre les Ferrari aux 24 Heures du Mans. L'armada Ford est composée de huit MkII à moteur 7 litres en Prototypes, et de cinq GT40 4,7 litres engagées en catégorie Sport.

Chez Ferrari, on vise une dixième victoire mais les grèves du printemps ont retardé la construction des voitures de course. Trois 330 P3 4,4 litres sont engagées dont une pour le NART et quatre 330 P2 sont confiées aux meilleurs clients. Le plateau Ferrari est complété par trois Dino 206S 2 litres, une 275 LM et trois 275 GTB.

Ford en première ligne

Dès les essais, les Ford MkII frappent fort puisque quatre d'entre elles battent le record du tour de l'an passé. Dan Gurney signe un formidable 3'30"6, soit 230,103 km/h de moyenne. Ironie du sort, la plus rapide des Ferrari, celle de Rodriguez / Ginther est en 3'33"0, soit exactement le meilleur temps des essais de 1965.

Seule "étrangère" entre les Ford et les Ferrari qui occupent les 21 premières places au départ, la Chaparral 2D de Bonnier / P.Hill se place à une brillante dixième place en 3'35"1 mais semble bien esseulée pour jouer un rôle de premier plan. En queue de peloton on trouve la sympathique Marcos 1,3 litre à 1'39" des leaders. Enfin, une équipe pleine d'avenir débute cette année avec trois MS 620 à moteur BRM 2 litres : Matra.

Bien relayé par les médias, le duel Ford/Ferrari attire les foules. Les records d'affluence sont battus avec 350 000 spectateurs présents.

24 heures du Mans 1966 - Ford MkII #2 - Pilotes : Bruce McLaren / Chris Amon- 1er

24 heures du Mans 1966 - Ford MkII #2 - Pilotes : Bruce McLaren / Chris Amon- 1er

Départ en fanfare

Dans l'heure qui précède le départ, les nuages menacent et les équipes hésitent à monter les pneus pluie. Finalement tout le monde décide de partir en slicks. Après un départ canon, c'est la MkII argentée de Graham Hill qui boucle le premier tour en tête. A la fin de la première heure, trois Ford sont en tête (Gurney, Hill et et Bucknum) suivies de près par la Ferrari de Rodriguez, qui après un très mauvais départ, poursuit sa remontée.

Prévenu par son stand, Dan Gurney hausse le ton et bat plusieurs fois le record du tour pour finir par égaler son meilleur temps des essais 3'30"6. A 20 heures, quatre voitures pointent en tête dans le même tour, les deux Ford MkII de Miles / Hulme et Gurney / Grant, suivies des deux Ferrari P3 de Rodriguez / Ginther et Parkes / Scarfiotti.

Ferrari en tête

Profitant de leur consommation d'essence plus faible, les deux Ferrari de Rodriguez / Ginther et Parkes / Scarfiotti qui n'ont jamais lâché les Ford, pointent en tête au quart de la course. Ce renversement de tendance incite le public à rester sur le circuit alors que la nuit tombe. Le duel tant attendu aura donc lieu. Au fil des abandons de la nuit, la lutte reste indécise jusqu'à la mi-course. A 3h45, c'est la consternation chez les rouges. Pedro Rodriguez s'arrête à son stand, la boîte de vitesses a rendu l'âme ! Après l'accident de Scarfiotti à la 9ème heure, il ne reste plus en course que la P3 de Bandini / Guichet en butte aux mêmes problèmes de transmission.

L'impossible "Dead Heat"

Après 12 heures au rythme d'un Grand Prix, quatre MkII sont solidement installées aux quatre premières places. A dix heures du matin Gurney abandonne et Bucknum hérite de la 3ème place. L'intensité de la course à beaucoup baissé et la menace Ferrari ne fait plus peur au géant américain. Plutôt que de risquer de tout perdre dans un duel stérile, l'état major de Détroit veut jouer le "Dead Heat".

24 heures du Mans 1966 - L'impossible "Dead Heat" par Scalextric

24 heures du Mans 1966 - L'impossible "Dead Heat" par Scalextric

Dans les derniers tours, Ken Miles alors en tête depuis deux heures, reçoit l'ordre d'attendre la Ford noire numéro 2 de Bruce McLaren pour passer ensemble la ligne d'arrivée. La troisième MkII de Bucknum / Hutcherson distancée de 12 tours se joint au tandem de tête.

A 16 heures, Les trois voitures passent ensemble sous de drapeau à damiers. Ce quasi "Dead Heat" sera-t-il concédé à Ford ? Non, l'ACO fait jouer un article du règlement qui donnera la victoire à McLaren / Amon. Placée en 4ème position au départ, la numéro 2 a parcouru 20 mètres de plus que la numéro 1 de Miles / Hulme qualifiée en 2ème position !

Quoi qu'il en soit, les photos prouvent que McLaren a franchi la ligne en premier. Henri Ford qui se moquait sans doute de l'identité de l'équipage vainqueur, peut savourer son triomphe. Malgré les averses, la cap des 200 km/h de moyenne est dépassé pour la première fois et Ferrari est battu après six victoires consécutives.

Les films de la course