La Ferrari 512M châssis numéro 1048 réapparaît sous le nom de 512F (F comme Filipinetti) après de profondes modifications effectuées par la Scuderia Filipinetti dans les ateliers de Formigine. Sous un aspect proche de l'original, la carrosserie n'a plus rien de commun avec celle de la 512M. Le capot avant est plus enveloppant à la base du pare-brise, le cockpit est plus petit, les flancs sont droits et le capot arrière est totalement remodelé.
Mike Parkes a également revu l'habillage du châssis tubulaire. L'avant est allégé, le toit abaissé de 4 cm est aligné sur un pare-brise type 917. Le cockpit étant plus étroit de 12 cm, le volant a été décalé et des radiateurs d'eau plus grands ont pu être montés, ce qui a nécessité de revoir la forme du capot arrière. Celui-ci est surmonté d'un seul aileron, mais plus petit que celui de Penske. Les réservoirs d'huile ont été reportés à l'arrière. Un seul réservoir d'essence est situé dans le flanc droit, le système de remplissage ayant été revu. Le réservoir d'huile et sa pompe, la batterie et l'extincteur sont à l'opposé, côté gauche.
Norbert Duvoisin, le directeur de la Scuderia Filipinetti à l'époque raconte : "Notre ingénieur, directeur technique et pilote de la Scuderia, Mike Parkes, avait fait évoluer une 512 en une version que nous avions appelée 512F (F pour Filipinetti) en concurrence avec la 512 M (Modificata). Tout n’était pas encore régi par ordinateur et Parkes planchait au moyen d’une simple règle à calcul. Tous les paramètres de la réglementation nous ramenaient au pare-brise de la Porsche 917. Une fois de plus les allemands avaient une longueur d’avance.
Qu’importe, nous avons acheté quelques pare-brise de 917. Je ne vous raconte pas les complicités qu’il avait fallu avec David Piper, John Wyer, André Wicky et Ortiz Patiño (Zitro), les écuries privées qui faisaient courir des 917.
Du côté de Zuffenhausen on devait se poser des questions sur le nombre incalculable de pare-brise de 917 rompus dans les quatre écuries susmentionnées ! Pourquoi une telle quantité ? Dès qu’on testait notre 512F les failles de conception, les vibrations, les torsions liées à l’empirique pur et dur, les frottements et j’en passe faisaient exploser le pare-brise… Allo John, allo David, allo Jaime (Ortiz), allo André… Et pour nous, à Genève, à chaque coup une facture de plus de 2 500 euros. Les allemands n’étaient pas que des grands concepteurs, ils savaient aussi vendre leur marchandise ! "
Mike Parkes est associé à Henri Pescarolo, libéré par le forfait d'Alfa-Roméo. Sur les bascules de l'ACO, la 512 F accuse 973 kg avec le plein d'essence, ce qui est bien loin de ce qui était espéré. Si, comme l'ont relevé certains journalistes, une caisse à outils a bien été oubliée dans le cockpit, on peut estimer le poids réel aux alentours de 830 kg. De plus Parkes et Pescarolo forment un équipage de poids et de taille (80 kg en moyenne; 1,92 m pour l'Anglais et 1,84 m pour le Français), ce qui a d'ailleurs nécessité de former un bossage dans le toit.
Hormis une panne d'essence, Parkes et Pescarolo connaissent des essais sans problème majeur, mais en vidangeant le moteur à l'issue des essais, on trouve des traces d'eau dans l'huile. Une chemise est fêlée et les deux moteurs de réserve apportés par Ferrari ayant déjà été utilisés, la numéro 7 ne doit son salut qu'à Penske, qui accepte de prêter le moteur usine utilisé aux essais. Avec un temps de 3'21"1, la numéro 7 se positionne en 8ème position sur la ligne de départ.
9ème au premier tour, Parkes gagne trois places avant d'être le premier des ténors à ravitailler, après 40' de course. Retrouvant sa 6ème place en fin d'heure, puis gagnant une place dans la suivante, la Ferrari chute au 9ème rang après que Pescarolo ait calé suite à son ravitaillement. Au début de la 4ème heure, Parkes perd 19 minutes suite au bris de la courroie de pompe à essence. Ayant chuté au 15ème rang, la 512 F remonte en 7ème position.
A lire aussi | Ferrari 512M #15 ‣1971
Peu après minuit Parkes sort de la route à Maison-Blanche. Il tape les rails des deux côtés, abîmant notamment les capots, le réservoir et la suspension arrière, mais il parvient à rentrer aux stands. Une heure et 47 minutes de réparation sont nécessaires avant que Parkes ne puisse repartir pour un tour de contrôle avant de passer le relais à Pescarolo. Mais Henri ne bouclera que trois tours avant qu'une chute de pression d'huile ne provoque l'abandon définitif aux environs de la mi-course.
Après cette décevante performance, la 512F n’a plus fait de course. Elle a été vendue aux États-Unis en 1972 où elle a fait une seule apparition. Parkes devait la conduire lors de la finale Can-Am à Riverside, mais la voiture a été disqualifiée pour des raisons administratives.
Henri Pescarolo a confié ses souvenirs de ses 24 heures avec Ferrari : " La Scuderia Filipinetti était une écurie très prestigieuse à l'époque et l'ambiance y était familiale. J'y ai découvert Mike Parkes : un vrai gentleman, un ingénieur compétent et un bon pilote. C'est la seule fois où j'ai couru sur Ferrari et j'en garde un très bon souvenir. La voiture était fantastique, très puissante, stable et agréable à piloter mais lente. Dans la ligne droite, Elford m'a dépassé avec au moins 40 km/h de mieux. Malheureusement, on a fini trop tôt. "
La Ferrari 512M Spirit S100201
La Ferrari numéro 4 est la première 512M mise au catalogue par le fabricant espagnol Spirit. Pour réaliser la 512F, il faut jouer les Mike Parkes en miniature. Un toit et un pare-brise de Porsche 917 Airfix sont découpés et ajustés à la place de celui d'origine. Un aileron arrière et ses supports doivent aussi être ajoutés. Les décalcomanies sont fournis par Le Mans Decals.
Les défauts principaux du moule Spirit tels que la capot arrière trop court et l'habitacle trop haut sont encore plus visibles dans cette version modifiée. Pour être tout à fait exact, il aurait fallu modifier profondément la partie arrière mais le travail était trop important et le résultat pas vraiment garanti.
A la sortie de boîte, il est fréquent chez Spirit que les voitures roulent très mal. Cette 512F fait exception à la règle car les performances sont tout à fait honnêtes. Le moteur est vif et puissant et la tenue de route tout à fait acceptable.