À l'été 1971, Jo Bonnier, l’agent exclusif de Lola pour l’Europe, a persuadé Eric Broadley de construire une évolution à 3 litres de la Lola T210, qui a remporté le titre européen de 2 litres en 1970 avec Jo Bonnier au volant, et à nouveau avec Helmut Marko en 1971. Le talentueux bureau d'études de Lola à Huntingdon qui comprenait les jeunes ingénieurs Patrick Head et John Barnard, s'est mis au travail.
Autour du groupe motopropulseur Cosworth DFV, un sous-châssis plus robuste a été ajouté à la monocoque et les systèmes de refroidissement, de suspension et de freinage ont tous été améliorés. La première T280 HU1 (HU pour Huntingdon), le premier des quatre exemplaires construits, a été testée en décembre 1971 au Paul Ricard, où le champion de Formule 5000 en titre de Lola, Frank Gardner, a battu le record de piste. Légère, compacte, très léchée sur le plan aérodynamique et profitant pleinement de l’expérience des protos 2 litres conçus auparavant, la T280 a pleinement réussi son entrée.
Après des performances prometteuses à Buenos Aires et Daytona, la voiture a été emmenée au week-end d'essais du Mans. La Lola a été la plus rapide dans ligne droite des Hunaudières, et Jo Bonnier et Hughes de Fierlandt ont facilement remporté la course des quatre heures le dimanche.
Pour les 24 heures, Jo Bonnier qui a financé la construction d’une seconde voiture (HU2), reçoit enfin un soutien financier important avec le syndicat suisse des producteurs de fromages Switzerland. De plus le retrait de Ferrari, jugeant ses moteurs insuffisamment résistants, laisse entrevoir de belles opportunités. Le patron de l’écurie fera équipe avec Gérard Larrousse et le vainqueur de l’édition 1971, Gijs van Lennep.
En qualification, les Lola semblent incapables d’aller chercher les Matra, mais font jeu égal avec les Alfa Roméo. Qualifiée en 5ème position avec un temps de 3’50"0, la numéro 8 devance sa sœur d’écurie de plus de 5 secondes.
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Pour la course, après avoir été chronométrée en 3'46"9, ce qui sera le meilleur temps au tour de la course, la voiture est retardée par d’incessants problèmes de freins et de transmission. Elle remonte à la 8ème place à la 9ème heure et tient cette position jusqu'au petit matin. A son volant, Bonnier maintient un rythme soutenu, lorsqu’au début de la 17ème heure, un terrible accident se produit. Alors qu'il aborde la grande courbe précédant le freinage d'Indianapolis à 250 km/h, la Ferrari Daytona pilotée par Florian Vetsch est déjà dans ce virage et la différence de vitesse est flagrante entre les deux voitures. La Ferrari étant à l'extérieur de la courbe, Jo plonge à la corde. Pour une raison inconnue, la Lola mord sur la berne et vient toucher brutalement la Ferrari. La Lola change de direction et pique sur la glissière de sécurité qu'elle heurte de plein fouet. Faisant un bon de plus de 100 mètres, la voiture s'envole alors à plus de 20 mètres de haut et se fracasse sur la cime des arbres. Le pilote suédois est tué sur le coup.
Norbert Duvoisin, le directeur de la Scudéria Filipinetti a raconté comment il vécu l'accident qui a coûté la vie à Jo Bonnier. "Restons en 1972 aux 24 Heures du Mans. Nous avons deux Ferrari Daytona aluminium en course et je dirige le stand : surveillance des chronos, gestion du nombre de tours avant ravitaillement, discussion de stratégie avec M. Georges Filipinetti en personne… bref le boulot habituel d’un directeur d’écurie de course !
Dimanche matin 8 heures 15 une des deux Ferrari ne passe plus. En ces temps anciens les nouvelles ne circulaient pas rapidement et je me suis souvenu qu’un menuisier qui avait fabriqué un pupitre pour notre stand m’avait dit qu’il était responsable d’un département à la direction de la course et que si j’avais un problème je n’avais qu’à venir le voir. Je vais donc aux informations…
Je passe devant le stand voisin de l’Ecurie Bonnier qui fait courir Gijs Van Lennep et Jo Bonnier sur la Lola N° 8 aux couleurs du fromage Switzerland. Heini Mader le fameux motoriste qui était alors chef mécanicien du pilote suédois me dit que la Lola aussi ne passe plus. Je continue vers la tour de la direction de course, je m’annonce, je monte l’escalier et j'entre dans la salle de contrôle dotée de caméras. La situation me paraît tout de suite très grave mais on me laisse tout de même voir et écouter les échanges radio.
Je m’en serais bien passé car il s’agissait d’un accident entre la Lola n° 8 et la Ferrari N° 35 et j’entends cette terrible nouvelle : « Pilote décédé ». Mon cœur atteint 8 000 tours car je ne sais pas duquel il s’agissait ! L’horreur, puis je vois Florian Vetsch qui a pu sortir sans dommages de la Ferrari en flammes et rapidement j’ai la confirmation que c’est ce bon vieux Jo qui vient de terminer de la pire manière sa longue carrière de pilote.
Je sèche mes larmes et en passant devant le stand de Bonnier Racing je vois Marianne la femme de Joakim. Je détourne pudiquement la tête de manière à éviter son regard inquiet. Elle n’apprendra l’horrible réalité que 15 minutes plus tard car selon leur habitude les organisateurs distillaient au compte goutte les informations sur ce terrible accident. Moi je savais qu’elle était veuve et j’étais très malheureux ! "
La Lola T70 Sloter 400204
Belle initiative de Sloter d'être sorti des sentiers battus en ayant mis à son catalogue la jolie barquette Lola T280. La voiture est au standard des concurrents contemporains tels que Fly. La décoration est parfaitement reproduite, les lignes sont exactes et même le casque du malheureux Jo Bonnier est fidèlement reproduit. Seules les barres obliques de l'arceau de sécurité devraient être chromées et non noires. Un dernier détail inexact, les roues de la Lola Sloter sont équipées de papillons alors que dans la réalité les roues étaient bloquées par des écrous.
Sur la piste, une fois l'aimant retiré, la fine barquette roule honnêtement. Le train avant classiquement monté sur un axe rend la voiture plus stable que les barquettes Fly telles que la Chevron B19 par exemple.